vendredi 6 février 2015

Les premières répétitions (suite) avec le metteur en scène Sergio Boris

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 6 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR



Jour 4 : jeudi 5 février

Le voyage a ses aléas, j’en fais les frais aujourd’hui... Je suis perdu, écrasé dans un bus, le planétarium que je veux visiter est fermé, le jardin japonais que je visite est décevant, je veux faire à manger mais impossible de trouver des allumettes... ! Ce genre de jour où chaque mauvais pas en entraîne un autre ! 

Quoiqu’il en soit, la chaleur du soir finit par m’apaiser... Le travail avec Sergio est de plus en plus passionnant ! Comme il se plaît à nous le dit, nous entrons dans une ère d’incertitude...! 
J’ai le sentiment que ce que nous vivons est vraiment unique, bien que difficilement explicable. Chaque fois que quelque chose de nouveau se produit, je me dis : «Je n’y aurai jamais pensé!», ou «Je n’aurai jamais osé!», et pourtant, quand je nous vois sur le plateau, je suis heureux de sentir qu’une création singulière, bien que complexe, terrifiante, incertaine, est en train de naître ! Je sais qu’il nous faudra un temps fou de recherche, mais le plaisir qui émane de tout ça, whaou ! C’est un peu comme faire du théâtre pour la première fois ! En même temps, j’aime me dire que la magie du continent sud-américain influe sur nous. 

JOUER ET NE PAS PENSER. Voilà ce que je retiens. 


Anthony-élève

Les premières répétitions avec le metteur en scène Sergio Boris

À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR
À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR


À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR
À l'Espacio Callejón, le 5 février 2015 © DR



Le tsunami des émotions


Devant la gare St Jean nous sommes là attendant la Navette pour l’aéroport (premier « tapis volant » vers l’Argentine). Partout des sourires, des étoiles dans les yeux. Et l’une découvre que Carlos Gardel était toulousain. Et l’autre prendra l’avion pour la première fois. Au décollage les yeux d’Annabelle s’illuminent de bonheur. Bordeaux-Madrid très rapide. Seule une hôtesse de l’air au regard de banderilles nous foudroie, Clémentine et moi, car nous ne sommes pas assez concentrés sur notre tâche de gardien des «:emergency gate ». Heureusement nous n’avons pas eu à les manœuvrer.

« Madrid-Barajas » : ses ascenseurs, ses escaliers et ses tapis roulants, son métro.  Nous sommes à la fête foraine des aéroports. Pur bonheur de vivre et de bouger. Passage à la douane, forte peur car l’une de nous ne retrouve plus sa carte d’embarquement. Mais nous sommes sauvés, la voilà qui refait surface du fin fond de son sac de fille. Devant nous trois heures trente d’attente s’étirent. Un délicieux chocolat noir des Caraïbes nous aide à grignoter le temps. Vient l’envol vers Buenos Aires. Immense avion rempli de films, de nourritures (mauvaises) et d’un peu de sommeil. Ceux qui s’en sortent le mieux sont les constructeurs de cabanes : avec les capuches des sweets, les couvertures. Plaisirs régressifs et efficaces.

Premier matin portegno. Les étoiles ont viré rouges dans les yeux. Interminables files d’attente à la douane, puis nous sortons enfin de l’aéroport de Buenos Aires et là nous attend un gentil soleil qui nous claque sa bise de bienvenue. Nous y sommes. Visites et installations dans les apparts. Découverte des somptuosités passées (bois précieux, marbres, moulures) et des lèpres présentes (peintures écaillées, céramiques cassées, lustres de guingois). Puis c’est la course aux courses. La douche et le premier RV avec Judith devant un verre, sur une place.

Plaza Dorrego

Dans le paseo Colon qui mène à cette place il y a des hommes, somnolents parfois, qui vendent des bouts de la Belle Abattue. Les volutes Art Nouveau côtoient les angles Arts Déco tout ça astiqué vif afin que les dollars rentrent. La grande bourgeoisie ruinée a bradé ses argenteries aux marchands du temple.  Et ces antiquaires saturent leurs boutiques d’écœurante façon. Au bout du boyau argenté on débouche sur la Plaza Dorrego, trouée de verdure et de ciel. C’est une place tanguera. En son centre on y danse le tango. Et nous voilà les seize autour d’une longue table nous abreuvant de bières et de musiques  et de ces instants où la femme et l’homme suspendent la danse en une acmé de voluptueuse concentration.  Puis les paroles circulent et les rires fusent. La douceur d’être là s’impose.

Le soir, non loin de là, les plus affamés se retrouvent au restaurant « El Desnivel » où l’on dévore, nous dit-on, de tendrissimes pièces de bœuf. Et en effet, quand arrive dans nos assiettes le bife de lomo,  première surprise le morceau est énorme et tellement épais. Puis vient la deuxième : quand la dégustation commence nous nous accordons tous à reconnaitre que nous n’avions jamais mangé viande si goûteuse, si tendre. Et comme c’est le premier soir et pour que tous les sens s’exaltent nous nous sommes offert du  « San Felipe Malbec » vin de Mendoza, à la robe d’un rouge profond, capiteux, et tenant bien en bouche. Mariage parfait entre le manger et le boire. Non loin de nous une dame déchue « des folles années trente » mange sa viande sans lever le coude et sa longue chevelure blanche découvre, parfois, les plis de son dos nu. Elle est  bouleversante et pathétique. Et c’est ainsi que le réel nous convie au théâtre.

Demain commence le travail avec Sergio Boris.

Gérard Laurent - responsable pédagogique de l'ESTBA

jeudi 5 février 2015

Jour 3 : mercredi 4 février

Aujourd’hui, je continue mon exploration de la ville, tout en repensant au travail avec Sergio... Cette ville semble avoir mille facettes : la douce lumière du matin n’empêche ni la chaleur, ni les bus bondés, et je me retrouve dans le nord de Buenos Aires, à l’écart des quartiers «populaires», dans une sorte de New-York latino.
Les avenues sont si grandes que décider de les arpenter à pied, c’est s’engager sur le long terme... Et pourtant, rien ne nous arrête ! 
Il est difficile de croire que nous sommes bel et bien à l’autre bout de la terre... Et pourtant, une énergie stimule nos corps, notre créativité se nourrit de tout, du moins, je le ressens comme ça. Chaque parole, chaque croisement, chacun de mes regards naïfs posés sur cette cité, et bien je me les rappelle. Ici, il faut apprendre à travailler différemment, il faut garder l’esprit bien ouvert ! 

Cet après-midi, travail autonome. Je ressens un grand lâché-prise. Ça fait un bien fou ! J’aime cette idée de travail en collectif, en quête de forte incarnation... Une recherche vibrante, sur les tensions, les non-dits, les rires, mais aussi la violence, le rêve... Tout va changer un million de fois, mais ce que j’aime, c’est ce questionnement, d’acteur, d’art, de vie. 
Pour la première fois, je ne suis vraiment pas sur de ce que je fais, et pourtant, j’y prends un plaisir incroyable ! Je n’ai pas spécialement envie de produire, ni de monter à quel point j’ai du talent, mais simplement de jouer avec ce qui m’entoure, dans la plus grande sincérité. Arrêter de penser ! Jouer, avec les autres, créer ensemble. Aimer me laisser porter, chercher avec moi-même, et surtout voir à quel point toute cette classe est une classe de tarés ! Car avec cette bienveillance qui rassure, tout devient possible. 

Anthony - élève

mercredi 4 février 2015

Jour 2 : mardi 3 février

Première répétition avec Sergio Boris, au cœur d’un petit théâtre indépendant, le tout premier de Buenos Aires. Un lieu qui pourrait ressembler à ces vieux théâtres faits de bois et de métal rouillé, non dénués de charme, bien au contraire, un espace où notre imaginaire ne demande qu’à exploser !
Sergio rentre immédiatement dans le vif du sujet, nous sommes les 14 sur scène, à devoir improviser une situation. Alors nous faisons... une fois. Puis il nous demande de reprendre une seconde fois. Puis une troisième. Puis une quatrième... etc. Et chaque étape apporte son lot d’informations supplémentaires. 
À écouter Sergio, du moins, je parle au premier abord, il est difficile de suivre sa pensée et on peut se dire : « ce mec nous dit tout ce qui lui passe par la tête! », et pourtant, il apporte rapidement l’élément qui fait que tout devient logique. Ceci reste ma propre perception, bien entendu ! 
Comme un poète qui écrit sur un plateau. Enfin, les choses évolueront forcément, car il s’agit ici du premier jour... 
Une chose me marque, tout va très vite, certains d’entre nous semblent totalement euphoriques, d’autres perdus... Il va nous falloir une bonne nuit de sommeil pour que tout cela repose. Un travail intense nous attend. Pour ma part, j’ai envie de faire confiance, et de voir jusqu’où on peut me mener. 

Anthony - élève

mardi 3 février 2015

Jour 1 : lundi 2 février

Dès notre arrivée, nous percevons Buenos Aires comme une ville gigantesque, tentaculaire, une cité en pleine explosion ! Nous sommes tous très euphoriques car un monde nouveau s’offre à nous, et en même temps, nous ne pouvons qu’être déstabilisés : nous nous trouvons sur un autre continent, et des centaines d’informations fusent dans nos têtes. 

Ici, c’est la chaleur écrasante et humide de l’été, et ce n’est que tard le soir qu’on saisit que la ville ne s’endort jamais. 

Nous découvrons un pays qui émerge, qui veut monter au créneau des capitales européennes, mais ici, l’instabilité financière nous pousse à voir le monde différemment. 

Nous aborderons dès demain le travail de plateau avec le metteur en scène Sergio Boris, et déjà nous sentons nos acteurs se nourrir de tout. Buenos Aires a son odeur, sa couleur. Nous sommes comme apaisés à la terrasse d’un café à San Telmo, où nous revoyons notre programme de travail. Bien entendu, il ne s’agit pas uniquement de théâtre, mais aussi de vie, car dans cette mégalopole cosmopolite, tout tourne à cent à l’heure. Nous sommes emportés par ce flot. On nous avait prévenu, Buenos Aires est un lieu très moderne, scandaleusement original. Les jeunes artistes que nous sommes se régalent de se perdre, car la surprise est partout. L’imaginaire est en route, et c’est chanceux et heureux que nous allons nous dépasser pour créer au delà de nos limites connues. 

Anthony - élève