L’énigme
C’est
une pièce de Claudio Tolcachir que nous sommes allés voir au Teatro La Plaza.
La traduction française de son titre pourrait être: « Le vent dans un
violon » et c’est une chance que la chaire des mots marche si bien dans
les deux langues. Certes il y a du surréalisme dans cette rencontre improbable
qui me rappelle celle de la machine à coudre et du parapluie sauf qu’ici les
termes espagnols et français font vibrer à l’orée des mots deux sœurs
syllabes comme un mystère têtu dont l’énigme sera résolue dans la dernière
image du spectacle en un instant magnifique comme une action de
grâce païenne: un père élève son enfant pour mieux le voir et le célébrer
dans la lumière qui, avec une infinie douceur, s’en va.
Le conte
Il
était une fois un violon qui ne chantait plus depuis un fort longtemps (Dario,
le fils à sa maman possessive, cherchait en vain des réponses à ses
névroses chez un psy bancal). Il était une autre fois le vent privé de souffle
il y avait trop longtemps (deux amantes en mal d’enfant et en recherche de
géniteur). Et il était surtout cette fois un poète, Claudio Tolcachir, épris de
vive vie et de comédiens flamboyants, qui eut le désir de leur donner les mots
afin que ce conte du XXIème siècle chante encore et en corps.
Sans cris et châtiments
Autre
moment magique : la mort de la mère castratrice. Ce personnage sature la
scène de son énergie dévastatrice. Après avoir bien pourri la vie de son fils
et de tous les autres personnages de la pièce elle finit par donner à son
« petit » Dario les « clefs » du bonheur, ses deux
dernières phrases et elle s’enfouit (s’enfuit) sous les couvertures de son
lit-trône. Elle n’en ressortira qu’aux saluts. Ainsi le personnage de Mercedes
meurt en silence. Bouleversante élégance finale qui mue cette harpie en
pourvoyeuse d’art de vivre. Et de voir ce fils prendre son envol vers ses
désirs assumés j’en conclus qu’elle a eu l’élégance de mourir sans cris et
châtiments.
La fille fontaine
Celeste
est malade et l’on ne saura jamais de quoi. Du vide de son ventre, sans doute.
Avec son amante elles vont tout faire pour que ça cesse et que vienne une
grossesse. Et nous assistons à un moment d’anthologie où elles
« violent » Dario dans une scène digne des plus grands vaudevilles.
Puis quand elle sait qu’adviendra l’enfant, elle fait un geste avec son
drap qui est gravé dans ma mémoire pour toujours. À genoux sur son
lit, emportée par l’allégresse elle dessine un cercle blanc devant elle comme
un jet d’eau, un jet de joie rejoignant dans cette écriture scénique la
« joy d’amor » des troubadours, force et plaisir de faire. Avec
« El viento en un violín » Claudio Tolcachir et sa troupe nous font
cadeau d’un art de bricoler la vie pour qu’elle nous soit moins rude.
Gérard - responsable
pédagogique de l'ESTBA