vendredi 6 février 2015

Le tsunami des émotions


Devant la gare St Jean nous sommes là attendant la Navette pour l’aéroport (premier « tapis volant » vers l’Argentine). Partout des sourires, des étoiles dans les yeux. Et l’une découvre que Carlos Gardel était toulousain. Et l’autre prendra l’avion pour la première fois. Au décollage les yeux d’Annabelle s’illuminent de bonheur. Bordeaux-Madrid très rapide. Seule une hôtesse de l’air au regard de banderilles nous foudroie, Clémentine et moi, car nous ne sommes pas assez concentrés sur notre tâche de gardien des «:emergency gate ». Heureusement nous n’avons pas eu à les manœuvrer.

« Madrid-Barajas » : ses ascenseurs, ses escaliers et ses tapis roulants, son métro.  Nous sommes à la fête foraine des aéroports. Pur bonheur de vivre et de bouger. Passage à la douane, forte peur car l’une de nous ne retrouve plus sa carte d’embarquement. Mais nous sommes sauvés, la voilà qui refait surface du fin fond de son sac de fille. Devant nous trois heures trente d’attente s’étirent. Un délicieux chocolat noir des Caraïbes nous aide à grignoter le temps. Vient l’envol vers Buenos Aires. Immense avion rempli de films, de nourritures (mauvaises) et d’un peu de sommeil. Ceux qui s’en sortent le mieux sont les constructeurs de cabanes : avec les capuches des sweets, les couvertures. Plaisirs régressifs et efficaces.

Premier matin portegno. Les étoiles ont viré rouges dans les yeux. Interminables files d’attente à la douane, puis nous sortons enfin de l’aéroport de Buenos Aires et là nous attend un gentil soleil qui nous claque sa bise de bienvenue. Nous y sommes. Visites et installations dans les apparts. Découverte des somptuosités passées (bois précieux, marbres, moulures) et des lèpres présentes (peintures écaillées, céramiques cassées, lustres de guingois). Puis c’est la course aux courses. La douche et le premier RV avec Judith devant un verre, sur une place.

Plaza Dorrego

Dans le paseo Colon qui mène à cette place il y a des hommes, somnolents parfois, qui vendent des bouts de la Belle Abattue. Les volutes Art Nouveau côtoient les angles Arts Déco tout ça astiqué vif afin que les dollars rentrent. La grande bourgeoisie ruinée a bradé ses argenteries aux marchands du temple.  Et ces antiquaires saturent leurs boutiques d’écœurante façon. Au bout du boyau argenté on débouche sur la Plaza Dorrego, trouée de verdure et de ciel. C’est une place tanguera. En son centre on y danse le tango. Et nous voilà les seize autour d’une longue table nous abreuvant de bières et de musiques  et de ces instants où la femme et l’homme suspendent la danse en une acmé de voluptueuse concentration.  Puis les paroles circulent et les rires fusent. La douceur d’être là s’impose.

Le soir, non loin de là, les plus affamés se retrouvent au restaurant « El Desnivel » où l’on dévore, nous dit-on, de tendrissimes pièces de bœuf. Et en effet, quand arrive dans nos assiettes le bife de lomo,  première surprise le morceau est énorme et tellement épais. Puis vient la deuxième : quand la dégustation commence nous nous accordons tous à reconnaitre que nous n’avions jamais mangé viande si goûteuse, si tendre. Et comme c’est le premier soir et pour que tous les sens s’exaltent nous nous sommes offert du  « San Felipe Malbec » vin de Mendoza, à la robe d’un rouge profond, capiteux, et tenant bien en bouche. Mariage parfait entre le manger et le boire. Non loin de nous une dame déchue « des folles années trente » mange sa viande sans lever le coude et sa longue chevelure blanche découvre, parfois, les plis de son dos nu. Elle est  bouleversante et pathétique. Et c’est ainsi que le réel nous convie au théâtre.

Demain commence le travail avec Sergio Boris.

Gérard Laurent - responsable pédagogique de l'ESTBA

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