Cette
ville semble tout décupler, y compris mes réflexions personnelles. Je
ne cesse de me questionner sur pourquoi je fais du théâtre. Je m’étonne,
car je sens bien qu’à 14 000
km de la France, la création n’est pas la même ; il ne s’agit pas
seulement d’air ambiant, mais aussi de dialogues, de choc de culture, de
choc théâtral : les Argentins créent avec rien, l’acteur est au centre,
et nous, nous arrivons avec notre jeunesse et nos
rêves. Sous nos yeux, soudainement, un vide qui effraie et qui
fascine.
Je
ne parle pas au nom de mes camarades, je pense seulement qu’un univers
nouveau s’est ouvert à moi, comme une énorme crevasse que je ne
soupçonnais pas. Un torrent d’émotions me saute
à la figure, et je suis happé par le plateau. C’est d’autant plus
déroutant que Sergio pense vite, nous met dans des situations pas
évidentes, inconnues, et j’explore en moi un autre moi. J’ai toujours
voulu me réinventer, et je crois que c’est le rêve de
tout acteur qui se respecte. Cependant, se réinventer demande un
laborieux travail et une grande humilité, et à mon âge, les défauts
brûlants et maladroits de ma jeunesse qui veut tout connaitre, tout
voir, tout faire, vivre vite!, et bien, tout cela m’en
empêche. Mais peut-être qu’avec Sergio, je peux faire un pas en avant,
même s’il est infime, pour atteindre cet objectif que je me suis fixé
depuis si longtemps....
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