samedi 21 février 2015

Jour 19 : vendredi 20 février // Sentir le temps

Je suis fasciné de voir le temps s’arrêter sur scène. Je ne pense plus à rien, ni au passé, ni à l’avenir. Nous faisons un filage en roue libre, cela dure 1h30. Que penser de nous ? Si ce n’est que notre travail devient minimaliste, économique. Tout se condense et chaque regard peut être un poignard, chaque étreinte peut étouffer. L’incarnation se savoure, et nous jouons à déjouer nos codes d’acteurs français. Car ici, il n’y a pas de texte, ou très peu, et moi qui suis un fervent défenseur du théâtre classique, je me laisse gagner par le plaisir de créer ensemble une œuvre unique, empreint de mystères, et de sauvagerie.... Car si le texte n’est pas le moteur premier, et que notre langue d’expression est ici un espagnol très approximatif, voire inventé, que reste-il à part nos corps, nos regards, nos silences. Une expressivité nouvelle naît lentement, je la croyais insoupçonnée... La réalité devient déconcertante, déroutante. 
Je m’amuse beaucoup à jouer un personnage de metteur en scène insupportable, capricieux et angoissé. Il est facile d’aller chercher en moi, ou chez d’autres artistes du théâtre français, cette part d’ombre dictatoriale, où le théâtre n’est plus seulement un jeu, un art, mais un chemin de croix. Je suis à la recherche de la limite juste, entre l'intransigeance et la catastrophe. J’aime beaucoup ce travail d’acteur si précieux, où notre intériorité est activée, où chaque regard posé sur un camarade, chaque secret susurré, chaque absence de mots s’accordent à raconter une histoire nouvelle, où, pour l’heure, je ne retiens que la perte de soi, la peur et le besoin des autres, du groupe, comme un microcosme singulier qui oscille entre déchirure des chairs et lumière noire...
Anthony - élève 

À l'Espacio Callejón, le 20 février 2015 © DR

À l'Espacio Callejón, le 20 février 2015 © DR
 

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